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Cet essai clinique italien conduit sous l'égide de Luciana Chessa commence à faire parler de lui, même s'il est suivi depuis trois ans par la communauté scientifique internationale.

Au départ, des médecins Italiens ont constaté que des enfants atteints d'ataxie télangiectasie sous traitement temporaire de certains corticoïdes semblaient présenter une amélioration de leurs symptômes neurologiques, sans pouvoir l'expliquer. A partir de là, ayant déterminé quelles seraient les molécules candidates les plus prometteuses, en l’occurrence la dexamethasone, ils ont décidé d'en faire rapidement un premier essai chez des enfants atteints d'AT.

Cet essai visait à déterminer la dose optimale de traitement et à rechercher d’éventuels effets secondaires. L'annonce en a été faite au congrès de Francfort en 2011 auquel ATEurope assistait. Des réserves avaient été émises dans la mesure où il ne prévoyait pas de groupe témoin (non traité), obligatoire pour le valider. Les résultats de cet essai pilote ont été présentés au congrès de Cambridge en 2012 (voir le compte rendu au chapitre "Essais thérapeutiques et perspectives"). Le principal obstacle à cette thérapie était effectivement les risques d’effets secondaires d'un traitement par corticoïdes sur le long terme, notamment chez les enfants.

C'est à ce moment qu'intervient la société EryDel avec un processus nouveau d'injection intraveineuse de dexaméthasone. Schématiquement, il s'agit de faire une prise de sang au patient, d'encapsuler la dexaméthasone dans ses globules rouges (érythrocytes) et de les lui réinjecter afin que la dexaméthasone soit diffusée lentement. Un second essai pilote (essai de phase II) a été lancé et ses résultats présentés au congrès de Birmingham ont été récemment publiésb (Chessa et al., Orphanet Journal of Rare Diseases 2014,9:5.)


Intervention de Luciana Chessa au congrès de Birmingham en juillet 2013

L'injection de dexaméthasone par intra-érythrocyte réduit les symptômes neurologiques chez les patients atteints d'ataxie télangiectasie : résultats d'un essai de phase 2 (traduction)

«L'ataxie télangiectasie est une maladie rare neurodégénérative caractérisée par une ataxie précoce, des télangiectasies oculaires et cutanées, une immunodéficience, des infections à répétition, une radiosensibilité et une prédisposition aux cancers. Il n'y a pas de traitement pharmacologique approuvé pour traiter l'AT. Cependant, de récentes observations effectuées sur un petit nombre de patients ont montré quelques effets bénéfiques de traitement par stéroïdes/corticoïdes.

Pour éviter les effets secondaires d'une administration de corticoïdes sur le long terme, nous avons développé une méthode d'encapsulation de la dexaméthasone dans des érythrocytes autologues (EryDex - globules rouges traités puis réinjectés), ce qui permet une libération lente de la dexaméthasone sur une période d'environ un mois après l'administration.

La sûreté du traitement EryDex dans l'AT ont été évaluées sur une cohorte de 22 patients avec un diagnostic AT confirmé. Une injection mensuelle d'Erydex leur a été administrée pendant six mois consécutifs. En dehors de l’étude des effets secondaires, des éléments d’efficacité ont été recherchés.

Le premier outil de mesure d'efficacité utilisé a été l'échelle ICARS (International Cooperative Ataxia Rating Scale) au 1er, 3ème et 6ème mois. Les seconds outils de mesure d'efficacité comprenaient l'échelle VABS (Vineland Adaptative Behaviour Scales) et l'IGA (Investigator's Global Assessment).

Des améliorations aux scores ICARS ont été notées, tant sur les 22 patients qui ont commencé le traitement que sur les 18 qui l'ont terminé. L'amélioration moyenne observée à la dernière visite fut de 4 points pour les premiers et de 5,2 points pour les seconds. Les progrès ont été principalement observés sur l'échelle secondaire ICARS concernant les fonctions cinétiques (mouvements), et sur les échelles VABS et IGA. Une large variabilité du taux d'incorporation de la dexaméthasone dans les érythrocytes a été cependant observée, avec une corrélation positive entre une dose plus forte et une meilleure réponse ICARS.

En général, EryDex a été bien toléré. Rappelons que c’était le but initial de cet essai pilote. Les six mois de traitement ont conduit à une amélioration significative des symptômes neurologiques, telle qu'évaluée par ICARS, sans les effets secondaires des corticoïdes. À la fin de l'essai, quatre patients ont demandé et été autorisés à continuer le traitement pour une période supplémentaire de 19 mois. Leur score ICARS a été comparé à celui des quatre patients qui avaient dû interrompre le traitement du fait de leur sortie des critères initialement prévus dans l'étude. Il a ainsi été observé une réduction moyenne de 4,25 points (échelle de +1 à -7) après les 19 mois supplémentaires de traitement EryDex en même temps qu'une augmentation de 7 points (échelle de +1 à +14) sur le contrôle des mouvements.

En conclusion, cette étude montre la bonne tolérance d’EyDex et suggère que le traitement Erydex pourrait retarder la progression naturelle de la maladie."


Commentaires

Si la conclusion semble plutôt optimiste, elle est néanmoins prudente comme le montre l'emploi du conditionnel ou du verbe "suggèrer". Car en effet :

De plus, il est impératif de toujours bien mesurer le rapport risques/bénéfices. Autrement dit, il ne faut pas se focaliser uniquement sur l'amélioration immédiate due au traitement et négliger l'impact des effets secondaires. C'est la raison pour laquelle nous avons interrogé notre comité scientifique pour décortiquer cet essai.

Nos scientifiques ont souligné les points suivants:


CONCLUSION

Si cet essai pilote, de phase II, est encourageant en terme de tolérance et s’il semble avoir un effet favorable sur les symptômes neurologiques, il faut rester prudent. Seul un essai de phase III, comparant la symptomatologie chez les enfants traités (groupe des cas) et les enfants non traités (groupe des témoins) permettrait de conclure.

L’équipe de Luciana Chessa nous a contactés récemment pour les aider à mettre en place un essai de phase III. Soyez assurés que la question est étudiée avec beaucoup d'attention par notre comité scientifique qui se positionnera sur la participation ou non de la France à l’essai.

Nous insistons sur la nécessité de bien évaluer le rapport bénéfice/risque pour ne pas risquer d'aggraver plus vite la santé déjà précaire de nos enfants. Seuls nos médecins et scientifiques sont à même de juger de la pertinence de cet essai. La recherche a tendance à progresser, trop lentement à notre goût sans doute, mais il est fondamental de ne pas laisser notre impatience guider nos choix.