Webinaire Action for AT 2023
Le Webinaire organisé par Action For AT le 27 mars 2023 avait pour objectif de présenter pendant deux heures en direct le travail de six équipes de recherche autour de l’ataxie télangiectasie. (Retrouvez-le ICI)
Chaque présentation par les scientifiques a été suivie de questions relayées par deux présentateurs professionnels.
Université de Cambridge
En premier lieu, une équipe de l’université de Cambridge, menée par Anke Hensiek et Rita Horwath, a annoncé démarrer un programme cherchant à déterminer les paramètres à mesurer pour évaluer l’évolution de la maladie, en temps normal mais aussi au cours de futurs essais cliniques car il n’y a actuellement pas de consensus sur la question.
Elle va s’intéresser prioritairement aux aspects neurologiques de la maladie en étudiant l’imagerie I.R.M. et Petscan (lesquels posent un problème de radiosensibilité), les mouvements des yeux, des biomarqueurs à définir mais aussi des biopsies cutanées et prélèvements sanguins.
Cette recherche s’appuie sur le suivi de nombreux patients adultes, déjà suivis à Cambridge, qui permettra de constituer cette base de données destinée à identifier les mesures les plus pertinentes pour évaluer les effets d’une thérapie de l’AT.
La deuxième partie de cet exposé (Rita Horvath) présente un projet d’essai de thérapie génique par les oligonucléotides antisens, qui pourrait théoriquement corriger certaines mutations impliqués dans l’A-T.
Cette technique est utilisé de manière expérimentale par T. Yu à Boston sur une petite fille porteuse d’une mutation particulière du gène ATM.
L’équipe de Cambridge a identifié 13 patients porteurs d’une mutation spécifique pour lesquels ils ont le projet de faire un essai clinique. Ces patients sont suivis depuis plus de 10 ans et les données cliniques déjà recueillies seront complétées par un suivi sur 24 mois avant un possible essai de thérapie génique pour mesurer les paramètres décrits dans la première partie de cet exposé par Anke Hensiek.
Cette phase préliminaire, menée en parallèle avec le développement de la thérapie génique, est essentielle pour permettre d’évaluer les effets potentiels du traitement sur l’évolution de la maladie.
Université de Nottingham
Toujours en Angleterre, la deuxième présentation était celle de James Dixon sur son travail concernant la mise au point d’une thérapie génique globale pour l’ataxie télangiectasie, même si ses deux questions préliminaires laissent penser qu'il s'intéresse prioritairement au cerveau ("comment apporter au cerveau un gène ATM fonctionnel? comment s'assurer de l'expression à long terme de ce gène au niveau du cerveau?") .
Or le gène ATM pose des problèmes lorsqu’on envisage les techniques de thérapie génique actuelle :
• il est trop grand pour être transporté entier par des vecteurs viraux efficaces au sein des cellules
• le réparer ne peut se faire que de façon individuelle car il y a presque autant de mutations différentes dans la maladie qu’il y a de patients : pas impossible mais difficile
• la technique qui consiste à utiliser un produit pour transcrire le gène ATM en sautant l’anomalie et obtenir une protéine ATM presque normale est invasive, peut poser des problèmes d’immunité sur le long terme et il faut faire le choix des cellules visées
L’idée de James Dixon et donc de modifier légèrement l’ADN du gène ATM puis de « l’habiller » avec de petites molécules, des peptides, pour lui permettre de franchir les barrières cellulaires. Les cibles initialement visées sont les régions du cerveau dont le cervelet.
Si les premiers résultats en laboratoire sont encourageants, les étapes vers un essai clinique sont encore nombreuses : essai sur des cellules, puis sur un modèle de souris AT avant d’envisager un essai clinique au plus tôt dans cinq ans si tout se passe bien.
Australie
La troisième intervention était celle de David Coman en Australie sur l’essai de phase II utilisant la triheptanoïne pour améliorer le métabolisme des malades de l’AT. Nous avons déjà évoqué cet essai (ICI). David Coman a juste confirmé qu’il s’était terminé au mois de mars 2023 et qu’il faudra encore six mois pour analyser les résultats. Il n’a donné aucune indication à leur propos.
Austin - Texas
La chercheuse texane Tanya Paull a ensuite fait une présentation de son travail sur l’impact de l’ataxie télangiectasie sur le cervelet. Tout comme l’intervention de James Dixon, celle-ci était très technique. Elle a notamment établi que dans l’ataxie télangiectasie :
• la quantité de certaines protéines impliquées dans le processus de transmission du signal dans le système nerveux est fortement diminuée
• la transcription de plus de 12 gènes impliqués dans la neurodégénérescence du cervelet était fortement perturbée
• les dommages à l’ADN dans les neurones augmentaient, et pas seulement les cassures double brin (celles qu’on associe généralement à ATM)
Sa recherche porte sur les mécanismes qui conduisent de l'anomalie du gène ATM aux symptômes neurologiques, ce qui paraît une étape préalable et essentielle à toute thérapie (génique ou autre).
Grenade - Espagne
La cinquième présentation était celle d’Ignassio Molina de l’université de Grenade en Espagne à propos d’une technique de thérapie génique pour l’ataxie télangiectasie.
Son approche est un peu en désaccord avec celle de James Dixon dans la mesure où son équipe utilise un vecteur viral.
Si effectivement le gène ATM est bien trop gros pour lui permettre de traverser ainsi les barrières cellulaires, l’équipe espagnole a cherché à réduire la taille du gène ATM. Elle l’a divisée par deux par une manipulation génétique en éliminant des parties considérées comme non utiles. Ce faisant, les résultats de pénétration sont bien meilleurs.
Néanmoins, la viabilité de ce gène ATM réduit n’a pas été vérifiée. L’équipe espagnole s’est focalisée pour l’instant sur une étude de faisabilité technique.
À noter que, contrairement à l’équipe anglaise, l’équipe espagnole vise plus le système immunitaire que le système nerveux.
S’agissant d’un travail de laboratoire exploratoire, d’éventuelles retombées pour un traitement de la maladie ne sont pas envisageables à court ni même moyen terme.
Italie
Enfin, la dernière intervention concernait Erydel.
Son responsable scientifique Günter Janhofer a fait un point de la situation et le démarrage du nouvel essai de phase III demandé spécifiquement par la FDA américaine qui devrait débuter bientôt. L’autorité européenne n’a pour l’instant pas demandé de condition supplémentaire et le traitement devrait être disponible fin 2024.
Mr Janhofer a rappelé que ce traitement par cortisone n’avait pas apparemment eu d’effet secondaire à long terme et s’adressait surtout aux enfants dans la tranche 6-9 ans.
À noter que le traitement proposé est suivi depuis le départ par l’hôpital Necker et plus particulièrement le CEREDIH : si les données confirment qu’il apporte un bénéfice, alors il sera proposé.
Conclusion
Pour résumer, ce webinaire qui a réuni près de 220 personnes de 25 pays était plutôt intéressant, notamment pour faire le point sur la connaissance du cervelet et les approches de thérapie génique.
Sur ces dernières, il est important de noter qu’à l’heure actuelle, personne ne sait vraiment quels seraient les effets d’une thérapie génique pour l’AT. Nous notons par exemple que la plupart ne visent qu’une partie des symptômes (à l’exception du projet de James Dixon, encore qu’il ne parle pour l’instant que de cibler les problèmes neurologiques). Nous ne savons pas non plus si une thérapie génique stopperait seulement la maladie, en améliorerait les symptômes, permettrait de réparer certains dommages ou, à l’inverse, si elle ne présenterait pas un risque…
C’est la raison pour laquelle il faut continuer à chercher à comprendre le fonctionnement du gène ATM, à l’image de la chercheuse texane ou des programmes de recherche qu’ATEurope finance : trouver des cibles de traitement et réparer des fonctions pourrait être initialement plus rapide par cette voie !
Nous remercions Action For AT pour son organisation parfaite qui a demandé une grosse préparation et des moyens techniques conséquents.