Partie 1 - Décembre 2021
Cette web conférence scientifique animée par Cynthia Rothblum (ATCP-USA) en collaboration avec AT Society (GB) était la première d'une série de deux ou trois destinées à pallier l'absence des rencontres bisannuelles habituellement organisées pour permettre aux médecins et chercheurs du monde entier d'échanger sur les avancées cliniques et thérapeutiques concernant l'AT.
Cette première partie visait à faire le point sur les essais cliniques en cours. Pour chacun d'eux, vous retrouverez son origine et les objectifs recherchés sur notre site Internet avec les liens indiqués vers les articles correspondants déjà publiés. Je vous invite à les relire pour mieux comprendre ce qui suit.
Erydel's trial for the Erydex System
Site internet ATEurope: ici et ici - Site internet Erydel
L'équipe d'Erydel nous a demandé la confidentialité sur les résultats présentés de la phase III de leur essai, en attente de publication dans une revue scientifique.
Cet essai de phase III a été réalisé sur 12 mois avec placebo sur un total d'un peu plus de 100 personnes.
Tout d'abord, il a été confirmé que le procédé utilisé n'entraîne pas d'effets secondaires liés à l'administration de molécules corticoïdes. Pour mémoire, il s'agit de prélever des globules rouges sur le patient, de les "charger" avec une molécule médicament et de les réinjecter, processus à renouveler environ toutes les cinq semaines. Ceci permet la diffusion lente et à faible dose du médicament.
Pour cet essai, il a été précisé que seule la dose la plus forte sur les deux administrées a eu une efficacité. De plus, les effets neurologiques escomptés ont été majoritairement observés sur la classe d'âge 6 à 9 ans, période où l'ataxie télangiectasie évolue le plus vite. Il semblerait notamment que le médicament permettrait de retarder un peu la perte de la marche, ceci y compris après 10 ans.
Enfin, suite à une question de l'assistance, il a été précisé que la corrélation avec le type d'AT n'a pas été étudiée.
Une autorisation d'utilisation du procédé ERYDEX va bientôt être soumise à l'administration de la santé américaine (FDA) avec pour objectif de l'obtenir fin 2022-début 2023.
Taylor Fiekds Intrabio
Site internet ATEurope: Article Intrabio - Site internet Intrabio
Objectif d'Intrabio: protéger voire restaurer les fonctions neuronales
Constatations sur la molécule :
- Améliore les symptômes de l’ataxie chez les souris
- Stabilise les signaux cellulaires
- Améliore les fonctions énergétiques
En revanche, dès l’interruption du traitement, le retour en arrière est immédiat.
En parallèle de deux essais sur deux autres maladies rares, un essai d'une durée de deux ans est en cours sur l’AT.
Les sites retenus sont aux USA, Grande Bretagne, Allemagne et Espagne. Les patients d’autres pays n’ont pas été inclus du fait des difficultés logistiques liées au COVID.
L’objectif est bien de viser une amélioration neurologique et non de soigner. A ce stade, l'essai n'est pas assez avancé pour tirer des conclusion, mais la tolérance semble bonne.
Enfin, suite à une question, il est précisé qu’aucune mesure sur des biomarqueurs n’est prévue ni n’a été effectuée pour corroborer au niveau biologique un éventuel effet de la molécule.
NL : Nicotinamide Riboside
Site internet ATEurope - compte-rendu de la conférence de Naples en 2018, onglet posters sous le titre: P_10 Retour d'expérience de la prise hors prescription de nicotinamide riboside (vitamine B3) chez des patients atteints d'AT
Un essai a été mené sur 24 personnes atteintes d’AT (18 classiques et 6 variants), toutes âgées d’au moins 2 ans et pesant plus de 12kg, sans problème au foie. La dose administrée de cette molécule cousine de la vitamine B3 était de 25mg/kg/jour avec un maximum de 900mg sur une durée de 6 mois.
Conclusions de l’étude:
- Amélioration de l’état neurologique, mais les mesures utilisées n’étaient pas standard
- Amélioration de certains taux d’immunoglobulines
Il est souligné par l'équipe néerlandaise qu’il n’y avait pas de placebo, que le nombre de patients était assez faible, qu’une dose optimale n’a pas été déterminée et que l’étude n’a pas mesuré les éventuels effets à long terme.
A ce propos, une étude en Norvège sur deux ans, utilisant une dose moindre qu'aux Pays-Bas et dont les résultats seront connus début 2022, ne fait pas état à ce stade d’effets secondaires.
Enfin, il faut noter que certains patients n'ont pas présenté d'amélioration.
La question d’une étude sur une population plus large avec placebo reste en suspens. En effet, lorsqu’une population donnée de patients participe à un essai clinique, elle n’est plus disponible pour un autre. Faut-il ainsi s’engager sur une molécule connue et généralement bien tolérée au détriment d’un éventuel traitement futur plus prometteur… ?
La question d'une recommandation sur la prise au long cours de vitamine B3 sera posée au conseil scientifique d'ATEurope que nous devrions réunir avant le printemps. Dès que nous l'aurons, nous relaierons également ici la publication des néerlandais.
Dr Yu (Boston) - ASO (Antisense Oligonucléotides)
Site internet ATEurope: USA: une thérapie génique
Les ASO sont de petites molécules d’ARN/ADN peu chères et faciles à produire, à rendre stables et à délivrer, qui permettent de poursuivre le codage génétique là où une mutation l’a altéré.
Si cette thérapie est une révolution pour l'AT, les mutations d’ATM potentiellement concernées ne représentent que 15% de toutes les AT, mais c’est déjà 15% ! Ainsi, sur les 235 dossiers génétiques de la base de données américaine, cela représente une quarantaine de personnes et un peu plus de 20 mutations différentes.
Le traitement consiste en une injection dans le liquide céphalo-rachidien tous les deux mois. Seules les fonctions neurologiques sont ciblées.
La première petite fille à recevoir ce traitement se porte bien pour le moment et n’a pas présenté d’effets secondaires. Un autre enfant rentre dans le protocole ce mois-ci (décembre 2021).
Mais l’évaluation de son efficacité ne pourra se faire que sur le long terme : l’AT étant une maladie évolutive, l’absence d’évolution délétère sera le principal critère de mesure. L’idéal serait cependant de trouver des biomarqueurs pertinents.
Ceci pose aussi d’autres questions non résolues à ce jour :
- A quel profil ou quel stade de l’AT ce traitement sera-t-il adapté , notamment pour des stades avancés de la maladie ?
- Est-il envisageable de traiter le déficit immunitaire de la même façon ? Sachant qu’il faudrait pour cela faire des injections dans la moelle osseuse avec des doses sans doute 100 fois supérieures à celle de l’essai en cours ?
Enfin, le coût pour l'instant considérable du traitement pour chaque enfant (1,8 millions de dollars) devrait diminuer drastiquement si la thérapie est approuvée par les autorités et finalement largement étendue. le Dr YU parle d'environ 30000$ tout au long d'une vie.
Une deuxième web conférence devrait avoir lieu début février pour évoquer des programmes moins avancés.
En attendant, restez très prudents et protégez-vous de la COVID !
Partie 2 - Février 2022
Je vous propose le compte-rendu suivant de la 2e web conférence scientifique sur les essais cliniques en cours, toujours animée par Cynthia Rothblum (ATCP-USA) en collaboration avec AT Society (GB).
Cette deuxième partie a présenté deux essais thérapeutiques, l’un sur l’AT et l’autre sur l'ataxie de Friedrich. S’appuyant sur ses résultats positifs, ce dernier a été l’occasion d’aborder les façons de construire des essais cliniques pour des maladies rares comme l’AT.
Enfin, une discussion a été engagée sur le choix de biomarqueurs pertinents nécessaires aux évaluations cliniques, pour suivre l'évolution de la maladie en temps normal ou lors d'essais.
Si l'ensemble de la conférence était très intéressant, avec par exemple l'idée de mettre en place une équipe commune internationale pour s'accorder sur les biomarqueurs, seul l’essai australien présentait un intérêt immédiat pour les familles.
Martin Lavin, David Coman : Triheptanoin-A trial in progress for A-T(recorded presentation)
Les mitochondries jouent un rôle primordial dans la respiration cellulaire et dans la production énergétique indispensable au déroulement des fonctions de la cellule. Les enzymes qu’elles contiennent participent aux différentes réactions impliquées dans la chaîne respiratoire. Ces enzymes décomposent les nutriments apportés par l’alimentation en molécules simplifiées, processus qui produisent de l'énergie.
Les travaux de l'équipe du professeur Martin Lavin de la clinique de l’AT à Brisbane en Australie se sont concentrés sur l'altération des fonctions des mitochondries dans la maladie, notamment le stress cellulaire engendré par des carences en nutriments lié à ces dysfonctionnements.
Leur idée a donc été d’utiliser une molécule déjà connue pour essayer d'améliorer ces fonctions mitochondriales.
Les résultats en laboratoire sur des cellules AT ont montré
- Une réduction de la mort cellulaire induite par le stress métabolique, et même une protection sur des neurones du cerveau et du cervelet
- Une meilleure interaction entre les mitochondries
- Une réduction du stress oxydant générée par les cellules AT
- Une augmentation de la fonction des mitochondries
Ceci a conduit l'équipe australienne à organiser un essai clinique de phase II qui devrait commencer au mois de mars en Australie.
David Lynch: Omaveloxolone-Presentation of findings with Friedreich’s ataxia and insights on clinical trial design for rare diseases
L'intervention suivante du professeur américain David Lynch était centrée sur un essai clinique réalisé pour l'ataxie de Friedrich. Je ne vais pas entrer dans les détails, juste dire qu'il concernait l’emploi d’une molécule pour corriger des dysfonctionnements au niveau du métabolisme et plus particulièrement des mitochondries, un peu dans le même esprit que l'équipe australienne.
Un parallèle a d’ailleurs été fait avec l'AT et l'impact du dysfonctionnement des mitochondries sur les maladies neurologiques. Ainsi, à la question de savoir si la molécule utilisée dans cet essai serait susceptible d'avoir un effet sur l’AT, la réponse fut « possiblement », mais dans une moindre mesure que pour sa cible initiale, l'ataxie de Friedrich, dont elle vise un processus particulier.
Outre les résultats positifs obtenus sur l'évolution de cette maladie, l'intervention de David Lynch a plutôt été un retour d'expérience vers les scientifiques de l’AT, avec quelques faits et réflexions intéressantes. Par exemple :
- Pendant les 3 premiers mois de l'administration du traitement, l'effet placebo était comparable à celui mesuré chez les personnes qui recevaient vraiment la molécule
- Dans les maladies complexes telles l’ataxie de Friedrich ou l’AT, il n’y a pas dans l’immédiat de perspective d’un traitement unique. Il est en revanche plus probable que soit développé un éventail de différents traitements, certains pour traiter les causes génétiques (différentes mutations), d’autres les effets
- Une approche uniquement basée sur le stress oxydant est trop restrictive
- Il est important de pouvoir s’appuyer sur une bonne description de l’histoire naturelle de la maladie à des fins de comparaison, d’où l’importance des registres de données
Sur ce dernier point, vous savez qu’ATEurope finance la base de données française de l’AT dont la partie essentielle est le recueil des données auprès de vos médecins. Ainsi, à chaque visite chez un des médecins de votre équipe de suivi de l’AT, assurez-vous qu’il a bien pris contact avec le CEREDIH. Ceci peut conditionner à l’avenir une participation à un essai clinique.La deuxième partie de la conférence était consacrée aux biomarqueurs dans l’AT.
Biomarqueurs
Un biomarqueur est une donnée mesurable représentative de l’évolution d’une maladie. Or, pour l’instant, aucun ne fait l’unanimité pour l’AT dans la communauté scientifique. Ceci est dû à la complexité de la maladie (ex : variant ou classique), à ce qu’on veut mesurer (évolution naturelle ou effet d'un médicament), sur quel symptôme (neurologie, immunologie, ...)
La chercheuse Helena Donath de Francfort a présenté deux possibilités nouvelles de biomarqueurs : les neurofilaments et le micro ARN. Néanmoins, ils ne sont pas encore validés pour des difficultés de prélèvement et de coût. Il ne paraît donc pas pertinent d’en parler plus longuement ici.
Rob Dineen a lui insisté sur l’intérêt de l’imagerie médicale pour suivre l’évolution de la maladie.
Le Pr Willemsen de Nijmegen (NL) a indiqué qu’un de ses étudiants rassemblait tous les biomarqueurs utilisés jusqu’à maintenant dans les différentes études sur l’AT.
Le Pr Lederman de Boston a ensuite posé à nouveau le problème des biomarqueurs en appelant à une collaboration internationale sur le sujet.
Cette coopération verra-t-elle le jour ? Soyez assurés qu’ATEurope s’y emploiera comme elle l’a fait pour les données en 2017, sans grand succès malheureusement. Ce sera peut-être d’ailleurs l’occasion de remettre le sujet sur le tapis, le contexte ayant changé, notamment chez les anglais d’AT Society qui avaient bloqué toute avancée à l’époque, avec l'aide d'Erydel…
Une troisième conférence est programmée le 7 mars, organisée cette fois par les anglais d’Action for AT, sur les projets qu’ils financent : à suivre…