Suppléer, réparer ou remplacer le gène défaillant, c'est le rêve que propose la thérapie génique.
Mais c'est un rêve bien difficile à mettre en œuvre car il faut:
Produire un gène sain
Récupérer ou fabriquer un gêne sain partiellement ou en totalité n'est pas la partie la plus difficile de la thérapie génique.
En réalité, les gènes ne sont pas fabriqués car c'est encore inaccessible au génie chimique: ils sont clonés à partir de banques de données ADN. Sans rentrer dans les détails, le clonage est réalisé grâce à des techniques de sélection, d'identification et de multiplication parfaitement maîtrisées en laboratoire utilisant des bactéries. Elles sont relativement faciles à mettre en œuvre et peu coûteuses.
Cibler les cellules
Il n'est pas forcément nécessaire de viser les cellules qui n'utiliseront pas le gène. En effet, nombre de fonctions de l'organisme sont assurées par des cellules spécialisées regroupées la plupart du temps au même endroit (organe, moelle, glandes...). Cela peut simplifier le mode d'administration, mais ce n'est pas toujours le cas, notamment pour ATM qu'on retrouve partout.
Transporter le gène
Amener le gène jusque dans le noyau de ces cellules où il pourra exprimer sa fonction est le vrai challenge de la thérapie génique.
Un gène n'est utile que s'il peut produire sa protéine et il ne peut le faire qu'à l'intérieur du noyau de la cellule. Problème: comment l'y amener, et en grand nombre? Car les obstacles sont nombreux (peau, parois des vaisseaux, tissus, membrane cellulaire...) sans compter que le système immunitaire risque de ne pas se laisser faire.
Deux méthodes existent et dépendent des fonctions ciblées:
- in vivo si le traitement se fait dans l'organisme du patient
- ex vivo s'il se fait en labo sur des cellules du patient qui seront réinjectées après modification
Le problème est donc de trouver un transporteur, un vecteur, capable de réaliser ces prouesses et pourquoi pas, de modifier l'ADN avec le gène sain.
Vecteur 1: Les virus
Mère nature, dans sa grande bonté, nous a pourvu en vecteurs potentiels: les virus.
En plus d'être très disponibles, les virus ont aussi l'avantage de ne pas avoir tous le même mode de fonctionnement. La diversité de leurs modes d'action offrent ainsi la souplesse aux chercheurs en thérapie génique qui en ont fait leur outil principal.
Mais ils ont un inconvénient majeur : ils sont faits pour attaquer l'organisme et non pour le soigner. Il faut donc les rendre inoffensifs avant de les utiliser, autrement dit garder leurs propriétés d'intrusion dans les cellules et éventuellement de modification de l'ADN tout en se débarrassant des propriétés pathogènes.
Ils sont de plusieurs types :
- Les Adenovirus: ils font pénétrer leurs gênes dans le noyau de la cellule mais n'en modifie pas L'ADN. Ils sont difficiles à "purifier", donc à rendre inoffensifs.
- Les rétrovirus ont la particularité de pouvoir modifier l'ADN de la cellule mais leur utilisation comme vecteur a parfois eu des effets secondaires mal maîtrisés.
- Les AAV (Adeno associated virus) modifient également le génome des cellules. Ils sont capables de ne transporter que de petits gènes mais sont souvent retenus comme vecteurs par les chercheurs pour leur caractère plus inoffensif que les précédents; mais des doutes subsistent quand à leur innocuité.
Des recherches sont toujours en cours pour trouver le vecteur viral idéal. Mais d'autres plus inoffensifs pourraient être tout aussi intéressants:
Vecteur 2: La chimie classique
La pharmacologie recèle dans ces immenses banque de molécules des produits susceptibles de favoriser la traversée de la membrane cellulaire. Associés à des gènes ou des bouts d'ADN sain, ils peuvent permettre de les amener jusqu'au noyau de la cellule. Mais ce processus est aléatoire et il faut de grandes quantités de ces complexes pour espérer un résultat, avec un risque important de toxicité.
Vecteur 3: Les nanoparticules
La problématique est ici là même qu'avec la chimie classique.
L'avantage cependant est qu'elles présentent des propriétés susceptibles de faciliter le ciblage des cellules (Magnétisme, facilité de conditionnement, stabilité). Cf Nanoparticules
Vecteur 4: La chirurgie du gène
Alors que dans les méthodes précédentes, on ne maîtrise pas complètement le lieu de remplacement du gène, la chirurgie du gène désigne le fait de remplacer à sa place le gène défaillant, en découpant proprement l'ADN autour de lui.
Cette méthode est basée sur des enzymes particulières, les méganucléases, qui sont capables, après manipulation et sélection, d'effectuer cette opération. La "soudure" du nouveau gène à la molécule d'ADN utilise le système naturel de réparation des cassures double brins (CDB), qui malheureusement ne fonctionne pas dans l'AT...
Péréniser
Lorsqu'une maladie est soignée, on s'attend toujours à ce que cela soit définitif. Mais en génétique, le problème se pose différemment car la maladie est inscrite dans le génome.
En fonction des cellules que l'on traite et de la méthode utilisée pour les traiter, la rémission peut ne pas être définitive. En effet, en utilisant une méthode qui se contente d'apporter un gène fonctionnel dans le noyau de la cellule sans corriger le génome, celui-ci ne remplira sa fonction que le temps de la vie de la cellule, généralement assez court.
De plus, certaines cellules, comme les cellules nerveuses (et la cellule de Purkinje), ne se reproduisent que très peu et pourraient garder les modifications effectuées. Mais pour la majorité des cellules, la reproduction cellulaire intervient rapidement et, au fur et à mesure des divisions, le gène correcteur non fixé à l'ADN ne se reproduirait pas, serait dilué, et son action avec lui. Il faudrait donc recommencer le traitement régulièrement.
De fait, les méthodes qui consistent à modifier le génome paraissent les plus satisfaisantes car même dans la division, l'ADN corrigé subsiste. Mais elles sont encore mal maîtrisées et le risque d'effets secondaires est encore très important.
Les équipes
2000:
Pr Alain Fisher, membre du comité scientifique d'AT Europe, et Marina Cavazanna-Calvo: pour la première fois au monde, ils réussissent une thérapie génique. En utilisant un rétrovirus, ils ont corrigé sur le chromosome X des "enfants-bulles" le gène déficient qui affectait gravement leur immunité. Leurs résultats exceptionnels ont ouvert la voie à d'autres essais très encourageants, même si leur bilan a rappellé à tous que ces traitements ne sont pas anodins et doivent être maniés avec d'extrêmes précautions. En effet, parmi les 20 enfants traités en France et en Angleterre, 5 ont développé une leucémie. Un seul patient décèdera des complications de sa leucémie. Mais sur ces 20 patients traités, 17 vont toujours bien et bénéficient des effets du traitement.
2005:
Nathalie Cartier et Patrick Aubourg: début des essais de thérapie génique contre l’adrénoleucodystrophie, une maladie neurologique mortelle qui entraîne la destruction foudroyante de la myéline du cerveau, c'est-à-dire la gaine des fibres nerveuses.
Philippe Leboulch: début des essais de thérapie génique contre la betathalassémie, une maladie de l'hémoglobine, la substance qui permet dans le sang de transporter l'oxygène.
Les deux utilisent un lentivirus (une sorte de rétrovirus) dérivé du virus HIV.
2006:
Boro Dropulic, University of Pennsylvania, Etats-Unis: l'année suivante, on note de premiers résultats d’un essai de thérapie génique contre le SIDA en utilisant un vecteur de thérapie génique dérivé du virus HIV lui-même pour introduire un gène thérapeutique dans les lymphocytes de patients. Aucun effet secondaire lié à l’utilisation de ce nouveau vecteur n’est observé.
2007:
Matthew During, Cornell University, Etats-Unis: des résultats encourageants d’un essai de thérapie génique intracérébrale dans la maladie de Parkinson . D’autres essais similaires sont en cours aux Etats-Unis et en Europe.
2008:
R. Ali, University College London, Angleterre: premiers résultats encourageants de thérapie génique avec un vecteur AAV dans une maladie héréditaire sévère de la rétine
2009:
Alessandro Aitu et Maria Roncarolo (San Raffaele scientific institute, Milan, Italie): confirment les effets bénéfiques à long terme sans complications de la thérapie génique chez 10 enfants atteints de DICS-ADA (Déficit immunitaire combiné sévère-Déficit en adénosine désaminase)
Nathalie Cartier et Patrick Aubourg: annonce du succès de l'essai sur l’adrénoleucodystrophie. Il repose sur l'utilisation de cellules souches pluripotentes, obtenues à partir du patient lui-même, dont le génome est modifié en culture à l'aide d'un vecteur dérivé du virus HIV. Les cellules ainsi obtenues sont ainsi implantées par une greffe de moelle osseuse.
Actuellement en cours en France:
des essais pour la betathalassémie et une forme de myopathie (Gamma-Sarcoglycanopathie).
Bientôt:
D’autres essais vont débuter bientôt pour lutter contre les déficits immunitaires (Wiskott-Aldrich, DICS-X), une forme grave de rétinite pigmentaire (RP65), la myopathie de Duchenne, la maladie de Parkinson, la maladie de San Filippo et la leucodystrophie métachromatique.