Cet article pédagogique a pour but d'aider à la compréhension des problèmes immunitaires rencontrés dans l'ataxie télangiectasie et présentés dans les autres articles de ce chapitre.
Immunité
L'immunité peut se définir comme la capacité à reconnaître le « moi », tout ce qui fait partie de mon corps, et à rejeter le « non-moi », tout ce qui veut y rentrer ou s'y développe de façon anormale. On appelle ces intrus des antigènes.
Il existe trois lignes de défenses:
- les deux premières sont dites innées ou non-spécifiques car elles agissent quelle que soit la nature de l'agression.
- la dernière est dite acquise car elle est élaborée en fonction du type d'agression.
Principe de reconnaissance
Le soi est reconnu grâce au complexe majeur d'histocompatibilité (CMH), appelé chez l'humain HLA (Human Leukocyte Antigen): les cellules présentent en surface des protéines uniques permettant de différencier le soi du non soi.
Notons que chez l’homme, le cerveau possède son propre système immunitaire distinct du reste du corps.
Types d'agression
Les agressions peuvent être:
- Physico-chimiques (agents chimiques, facteurs climatiques, mécaniques,….)
- Du fait d’autres organismes vivants (on parle d’infection) : virus, bactéries, champignons, levures, ….
Elles sont permanentes.
Ligne de défense n°1 : peau et muqueuses
Elles offrent toutes les deux une barrière face aux micro-organismes:
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La peau est ainsi recouverte de kératine résistante aux enzymes bactériennes. On y trouve aussi des poils et des cils.
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La forte imperméabilité des cellules très serrées des muqueuses protège les voies aériennes, digestives, respiratoires ou encore uro-génitales. Certaines muqueuses sont également recouvertes d’un film protecteur, le mucus, qui est évacué avec les corps étrangers «capturés» grâce à des cils.
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Dans les larmes et la salive on trouve le lysozyme qui détruit la paroi cellulaire de nombreuses bactéries.
Ligne de défense n°2 : immunité innée
La deuxième ligne est constituée de défenses cellulaires et chimiques:
Des systèmes passifs de défenses des cellules existent. Ils sont chimiques et biochimiques : enzymes, acides gras, acide lactique, flore intestinale, ph, etc… qui créent un milieu suffisamment peu favorable pour que nombre d'antigènes (corps étrangers agressifs) ne puisse survivre.
Lorsque l'agression s'opère par blessure, les cellules lésées libèrent des médiateurs chimiques qui vont initier la réaction inflammatoire: dilatation et perméabilité plus grande des vaisseaux pour amener rapidement le nécessaire à la réparation et à la lutte contre les infections. La zone devient « rouge » à cause du sang qui afflue.
Ces médiateurs chimiques vont aussi attirer les phagocytes (tous des globules blancs ou leucocytes: macrophages, neutrophiles et éosinophiles), qui se chargent de détruire les cellules infectées, les microorganismes et les substances étrangères en les mangeant (phagocytose). Notons que les phagocytes adhèrent plus facilement aux particules étrangères lorsque ces dernières sont recouvertes des protéines du complément et d'anticorps (cf ci-dessous).
Ligne de défense n°3 : immunité acquise ou spécifique
La troisième ligne de défense consiste à élaborer et fabriquer une réponse personnalisée face à l'agression et à la mémoriser.
Cette réponse peut durer plusieurs jours avant d'être efficace. Elle est bien plus rapide, grâce à la faculté de mémorisation, si l'antigène a déjà essayé d'investir le corps auparavant et est reconnu.
Deux types de réponses sont développées à partir d'un "réseau spécifique", le système lymphatique, et la moelle:
- L'immunité cellulaire se débarrasse des cellules infectées
- L'immunité humorale vise à éliminer les antigènes libres présents dans le corps
Le système lymphatique
- Les organes lympoïdes primaires: la moelle et le thymus pour la partie maturation des lymphocytes (cf ci-dessous)
- Les organes lymphoïdes secondaires: les ganglions, la rate, les amygdales et les tissus lymphoïdes présents dans les muqueuses. Le réseau lymphatique, en ramenant les corps étrangers vers ces organes secondaires, les détecte , les reconnait et déclenche la production en nombre des lymphocytes T et B nécessaires à la réponse spécifique. Ceci explique par exemple que les ganglions les plus proches d'une infection enflent.
Immunité cellulaire
Le système immunitaire cellulaire vise les cellules de l’organisme qui sont infectées par les virus ou les bactéries, et les cellules cancéreuses.
L’action est réalisée par les lymphocytes T qui sont issus des cellules souches de la moelle osseuse puis deviennent matures dans le thymus (T comme Thymus). On distingue deux familles de lymphocytes T :
- Les lymphocytes T cytotoxiques (TC) testent la surface des cellules grâce à leur récepteurs. Si celles-ci ne sont pas reconnues, la cellule est considérée comme étrangère et détruite par perforation chimique de sa membrane.
Immunité humorale
Les réponses immunitaires à médiation humorale peuvent être déclenchées par:
- Des antigènes libres (molécules antigéniques, fragments de membranes)
- Des antigènes portés par des cellules (bactéries, globules rouges infectés,...)
Ces réponses mettent en jeu des anticorps circulants: les immunoglobulines ou anticorps.
QUe sont les anticorps ?
Les anticorps sont des protéines complexes permettant de détecter les antigènes de manière spécifique.
Ce sont des glycoprotéines à la structure en Y avec:
- Des parties variables au bout de chaque bras du Y constituant les sites de reconnaissance de l'intrus et permettent de se lier à lui
- Des parties constantes lui permettant de se faire reconnaître des cellules de l'organisme
Ils sont fabriqués par les plasmocytes, des lymphocytes B ayant évolués, cellules souches de la moelle dont la maturation se termine également dans la moelle.
Fonction des anticorps
Ainsi équipés, chaque anticorps peut:
Neutraliser les antigènes libres:
- Neutraliser les toxines libérées par les bactéries et ainsi protéger les cibles visées.
- Agglutiner et faire précipiter les antigènes (molécules antigéniques, fragments de membranes) . Cette faculté réduit le nombre d'unités infectieuses et, en présentant des complexes plus gros, avec plus de facteurs de reconnaissance, facilite leur traitement par phagocytose.
S'accrocher aux antigènes
en surface des membranes des microorganismes (bactéries, globules rouges infectés...) pour:
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Bloquer les capacités de fixation de ces antigènes à la surface des cellules saines ou des muqueuses. C'est le rôle des IgA.
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Faire reconnaître les antigènes ainsi marqués par les cellules immunocompétentes (macrophages, cellule NK tueuses,...) qui les élimineront par phagocytose. On parle d'opsonisation. Ceci fait généralement appel au complément (cf ci-dessous). C'est le rôle des IgG et IgM.
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Activer le complément
Les différents anticorps
Les anticorps sont subdivisés en classes ou isotypes, selon la structure des parties constantes : IgG, IgA, IgM, IgE et IgD.
De plus, on peut classer une population d'anticorps selon sa capacité à reconnaître un seul ou plusieurs sites de liaison aux antigènes. On parle alors respectivement d'anticorps monoclonaux et polyclonaux.
Répartition des rôles des immunoglobulines (Ig) par classe:
- IgA: essentiellement dans les sécrétions comme la salive, le suc intestinal, la sueur et le lait maternel. Le rôle essentiel des immunoglobulines A est d'empêcher les agents pathogènes de se lier à la cellule et plus spécifiquement aux cellules de recouvrement constituant les muqueuses et l'épiderme (couche superficielle de la peau).
- IgM: secrétées lors du premier contact de l'organisme avec un antigène. C'est la première classe d'immunoglobulines libérée par une variété de globules blancs : les plasmocytes. La présence d'IgM dans le sang indique une infection en cours.
- IgE: elles aussi sont sécrétées par les plasmocytes dans la peau, les voies digestives, les amygdales et les voies respiratoires. Cette variété d'immunoglobulines est reliée aux mastocytes et aux granulocytes basophiles (variétés de globule blanc) par une tige. Dès la capture d'un antigène, l'immunoglobuline déclenche la libération de produit participant à la réaction inflammatoire et d'histamine entrant dans la réaction allergique. Les concentrations d'IgE augmentent en cas d'allergie grave et en présence de parasites (parasitose) dans le tube digestif.
- IgG: les plus abondantes (75 à 80 % des anticorps circulants). Elles sont fabriquées lors d'un contact avec un antigène. Elles protègent l'organisme contre les bactéries, les virus, et les toxines qui circulent dans le sang et la lymphe. D'autre part, elles fixent rapidement le complément (cf ci-dessus, "le complément"). Elles participent également à la réponse mémoire, base de l'immunité sur laquelle repose le mécanisme de la vaccination. Enfin, les immunoglobulines G traversent le placenta et, de ce fait, entraînent une immunité passive chez le fœtus.
- IgD: le plus souvent attachées à la surface des lymphocytes B où elles jouent un rôle de récepteurs des antigènes. Elles interviendraient dans la maturation des lymphocytes, c'est-à-dire dans le mécanisme permettant à ces globules blancs de devenir efficaces.
Le complément
Le complément est un ensemble de protéines non spécifiques qui s’activent en cascade lorsque les immunoglobulines se lient aux antigènes.
Cette cascade de réactions a quatre effets principaux:
- Activer la réponse inflammatoire (cf "ligne de défense N°2" ci-dessus)
- Attirer les phagocytes, les cellules mangeuses, sur le site de l'infection
- Opsonisation des cellules présentant des antigènes (cf ci-dessus: "s'accrocher aux antigènes").
- La lyse (perforation de la membrane) des microorganismes marqués par les anticorps, en combinaison avec ceux-ci.
Maladies du système immunitaire
Le système immunitaire peut être défaillant:
- par excès en attaquant les propres cellules de l’organisme par une mauvaise reconnaissance (ce sont les maladies auto-immunes).
- par défaut permettant aux cancers et aux pathogènes de se développer (cas de déficiences immunitaires). C'est le cas de l'Ataxie Télangiectasie.