Le caractère extrêmement menaçant de l'ataxie télangiectasie entraîne pour le patient AT et sa famille un stress considérable. C'est le rôle du psychologue de les aider à le surmonter en écoutant bien sûr, mais aussi en proposant au patient des voies lui permettant de se réaliser et d'exister en société.
Chez les jeunes enfants AT
Un enfant jeune est très concret et se réalise dans ce qu'il fait. La première difficulté, les premières questions concernent la différence avec les autres, quand par exemple il ne peut pas participer à une activité d'éducation physique ou qu'il a besoin d'un matériel spécifique. De manière générale, la réponse à la question « pourquoi moi ? » doit se baser uniquement sur ce que l'enfant vit, être imagée, mais ne pas se projeter trop dans l'avenir. Une réponse cohérente devrait suffire. En effet, un jeune enfant pense à court terme et trouve de la gratification dans ce qu'il réussit, même si ce n'est pas la même chose que les autres. Cependant et en aucun cas, la réponse ne doit être mensongère, car plus elle est tardive, plus la gestion de la vérité est difficile.
Il peut être nécessaire, par l'intermédiaire de l'enseignant, de dire quelques mots en classe à propos des difficultés de l'enfant AT, du fait qu'il ne fait pas tout comme tout le monde ou que lui seul a le droit à une auxiliaire de vie scolaire par exemple. Une fois que les choses sont dites, les jeunes enfants ne posent plus de questions et l'enfant AT se trouve souventr plus facilement intégré au groupe, voire même protégé.
La consultation d'un psychologue ayant l'habitude des handicaps, notamment neuromoteurs comme on peut en trouver dans les centres spécialisés, est évidemment tout indiquée. Attention cependant à bien préciser que l'ataxie télangiectasie, pas forcément très connue, est une maladie évolutive à l'inverse d'autres affections. Ceci est un élément très important pour le psychologue dans le choix des méthodes qu'il utilisera.
Chez les enfants AT plus âgés
Au fil de son développement intellectuel, l'enfant prend conscience de la notion du temps et de l'avenir. Les questions existentielles arrivent : « Pourquoi la vie ? Pourquoi la mort ? ». L'enfant se projette et l'anxiété qui en découle est démultipliée par la conscience d'être atteint d'une maladie aux perspectives menaçantes. Il n'est pas rare qu'à l'âge clé de l'adolescence, l'enfant AT soit dépressif. Les facteurs contributifs sont :
- Le sentiment d'injustice
- La perte d'aptitudes, donc d'indépendance à un âge où justement, on veut la gagner.
- La sexualité mal vécue : outre les problèmes hormonaux et de stérilité qui peuvent retarder le développement des caractéristiques sexuelles se pose la question du regard porté par le sexe opposé dans une société où l'apparence est érigée en valeur.
- L'isolement de ses camarades entraîné par la différence, l'incompréhension ou même seulement la marginalisation du fait de ne plus pouvoir participer à certaines activités
- La culpabilité: le sentiment d'obliger la famille à organiser son fonctionnement et son temps autour de lui
Ceci entraîne la frustration, la perte de confiance en soi et la baisse de motivation.
En plus des psychologues ayant l'habitude des handicaps, ceux qui sont amenés à traiter les patients avec des maladies de longue durée menaçantes, comme les cancers par exemple, ont les compétences pour aider ces jeunes AT.
Une grande partie du travail du psychologue vise à maintenir l'estime qu'a l'enfant AT de lui-même au fur et à mesure de la dégradation de son état en lui indiquant comment continuer à obtenir des succès dans sa vie sociale. Ceci passe par l'évaluation de ses faiblesses mais surtout de ses forces. Le but est de maintenir à tout prix des rapports sociaux, avec ses camarades notamment. La recherche de solutions passe par:
- Le maintien de l'autonomie pour pouvoir s'intégrer à un groupe, mais il repose plus sur l'utilisation de matériel adapté: c'est le travail du kinésithérapeute, du psychomotricien et de l'ergothérapeute.
- L'opportunité de prendre seul ses décisions: c'est ce qui fait exister le jeune AT en tant qu'individu.
- Garder le lien avec ses amis. C'est primordial: en connaissant le jeune AT et sa pathologie, ses camarades ne se poseront plus la question de la maladie et lui apporteront la distraction, le lien social et l'impression d'exister comme bon copain.
- Lorsque les possibilités physiques viennent à empêcher la pratique de l'activité habituelle, rien n'empêche le jeune AT de devenir entraineur assistant ou animateur d'un groupe d'enfants plus jeunes: ainsi, il transmet au lieu de recevoir et cela le valorise.
- Toutes les activités ne font pas appel aux possiblités physiques: clubs de jeux de réflexion, de journalisme, de théâtre (mise en scène, écriture), etc... sont accesibles du moment que les éventuelles dificultés de communication sont expliquées aux participants.
- De plus en plus, la jeunesse communique au moyen des réseaux de communication. Internet est par exemple un excellent moyen de maintenir le contact avec sa famille, ses amis et les jeux en ligne parfaits pour s'intégrer à un groupe.
Enfin, ce n'est pas parce que les perspectives de la maladie sont très sombres qu'il faut s'empêcher de faire des projets : certains enfants AT sont allés à l'université, quelques-uns travaillent. Il est important de ne pas baisser les bras et de soutenir l'enfant AT dans ses projets et ses succès. Personne ne sait de quoi demain sera fait.
Dans la famille
La plupart des problèmes des patients AT s'expriment aussi dans l'entourage pour des raisons tantôt similaires, tantôt différentes. Les mêmes psychologues qui traitent les problèmes des enfants peuvent aussi traiter ceux de la famille. Ils sont confrontés aux problèmes suivants:
Sentiment d'injustice et de culpabilité :
Avoir transmis une telle affection à son enfant et de fait, lui faire vivre un enfer: pourquoi lui? pourquoi nous ? Mais en réalité, rien qu'en France, il y a 3 ou 4 millions de personnes atteintes d'une des 7000 maladies dites "rares", c'est-à-dire qui touche moins de 30 000 personnes... 1 personne sur 20... 80 % sont génétiques et la plupart sont orphelines, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas de traitement connu. Sans compter les autres maladies. Certes, toutes ne sont pas aussi graves mais la conclusion est que, tout comme la mort, la maladie fait partie de la vie. Il n'y a donc pas de réponse à la question : pourquoi ?
La frustration :
Voir que notre enfant ne peut pas avoir une vie normale, ne pas savoir quoi faire pour l'aider ou le soigner, l'absence apparente d'espoir dans l'état actuel de la médecine. Ce sentiment de frustration va dépendre énormément de l'état psychologique de l'enfant AT. En plus de ce qui a été évoqué dans les chapitres ci-dessus pour maintenir son équilibre psychique, le fait de voir sa famille s'engager dans la lutte contre la maladie peut lui être bénéfique. Ça l'est en tout cas pour les membres de la famille qui le sont, en leur donnant l'impression de reprendre leur destin et celui de leur enfant en main. Avec l'arrivée d'AT Europe, structure performante à l'image des Anglais AT Society et des Américains ATCP, un réseau mondial de lutte contre l'ataxie télangiectasie se met en place et permet aux familles de s'investir efficacement dans ce combat. Quant à la médecine, nous vivons une époque où tout semble possible alors, plus que jamais, l'espoir est permis.
L'Epée de Damoclès :
La crainte d'une complication, la perspective du futur annoncé. Par sa nature évolutive, l'ataxie télangiectasie amène forcément des complications plus ou moins graves et il serait illusoire de croire au contraire. Mais comme les symptômes s'expriment de différentes manières en fonction des patients, personne ne sait quand ni quelle complication apparaîtra. Personne ne sait non plus si, d'ici à ce qu'elle apparaisse, un chercheur n'aura pas trouvé un remède pour la soigner. Qui peut prédire l'avenir? Il faut se forcer à rester philosophe : carpe diem, on ne sait pas de quoi demain sera fait, alors il est inutile de trop s'inquiéter et d'anticiper.
L'isolement :
Le sentiment d'être seul au monde face à la maladie de l'enfant, ne pas trouver de soutien au niveau associatif, ne pas pouvoir partager son expérience, ne pas trouver l'information et les compétences médicales, ne pas se sentir suffisamment considéré dans le milieu médical, remarquer les regards condescendants parfois gênants, devoir réexpliquer 100 fois...AT Europe ne peut malheureusement rien pour la gêne occasionnée par le regard des autres, mais gardez en tête que la condescendance comporte en elle des valeurs positives comme la gentillesse et la bonté. En revanche, le site Internet avec toutes ses informations, son forum et le comité des familles d'AT Europe ont été pensé pour rompre cet isolement.
La fratrie:
Il est difficile pour les parents de consacrer autant de temps et de s'occuper correctement des éventuels autres enfants pour lesquels l'impact de l'évolution de la maladie de leur frère ou soeur AT est également considérable. Elever un enfant AT demande beaucoup d'énergie, de temps et représente souvent l'essentiel des préoccupations des parents qui pourront être involontairement moins disponibles pour le ou les enfants sains qui grandissent à côté. Ceux-ci peuvent se sentir délaissés en plus de subir le traumatisme de voir leur frère ou soeur se dégrader progressivement. Une bonne observation de leur comportement, de leurs résultats scolaires et un dialogue permanent avec les enseignants est indispensable pour détecter le moindre trouble psychologique. Il existe des consultations réunissant plusieurs fratries d'enfants malades qui leur permettent de s'exprimer en dehors du contrôle des parents et de partager leurs expériences.
L'aspect matériel:
S'équiper ou adapter son logement peut revenir très cher et être parfois impossible, augmentant ainsi la frustration. Se rapprocher d'une structure médicale ou scolaire adaptée peut obliger à un déménagement, la prise en charge de l'enfant handicapé peut obliger à changer d'emploi ou carrément à s'arrêter de travailler, avec toutes les conséquences afférentes...
Les points de vue:
Gérer sans s'opposer, au sein d'une même famille, les différentes façons de faire face : plus ou moins de médicalisation, de médecines douces, de religion...chacun doit trouver sa réponse face à la maladie de l'enfant. Et de toute façon, qui peut juger que l'une est plus mauvaise que l'autre ? Par conséquent, la seule manière de gérer les différences d'approche est de les rendre complémentaires, pourvu que çà ne se fasse pas au détriment de l'enfant.
La gestion de l'émotion et du stress, le bouleversement de la vie de famille et de la vie sociale font que les états dépressifs ne sont pas rares chez les patients AT et leurs familles. L'essentiel du travail du psychologue doit se porter sur le bien-être psychologique du patient et rejaillira ensuite sur la famille. L'approche est différente en fonction de la maturité des enfants AT et repose sur deux choses : indépendance et estime de soi.